Apres le confinement: Une vue de la France avec Pierre-Guillaume Ducluzeau (en Francais)

Nous sommes souvent consultés dans des dossiers de droit de la famille marqués par des éléments de compétence croisée. Étant à moitié française, j’ai été particulièrement curieuse de savoir comment nos amis d'Outre-Manche ont traité leurs dossiers en droit de la famille pendant le confinement. J’ai également voulu savoir comment la réponse des tribunaux français face au confinement pouvait avoir un impact sur les conseils que nous donnons à nos clients ayant des liens avec la France.

J'ai parlé à Pierre-Guillaume Ducluzeau, avocat en droit de la famille chez CBBC avocats à Paris. Il était fascinant d'entendre comment ils font face aux restrictions actuelles en France, et comment les choses se présentent pour eux maintenant que leur confinement est terminé.

L'un des principaux problèmes que nous avons rencontrés en Écosse (que Susan a exploré dans son récent blog) concerne les enfants qui se déplacent entre leurs domiciles. En France, les citoyens ne pouvaient quitter leur domicile que s'ils étaient en mesure de produire, à la demande éventuelle de la police, un formulaire auto-rédigé délivré par le gouvernement expliquant la raison de leur présence à l'extérieur. La législation prévoyait sept raisons valables pour quitter le domicile, comme notamment faire ses courses, se rendre au travail si nécessaire et, surtout, accompagner les enfants à un autre domicile. Depuis le 11 mai (date de la fin du confinement), aucune attestation de la sorte n'est désormais nécessaire et les enfants peuvent à présent se déplacer librement d'un domicile à un autre. Pierre-Guillaume explique que ce principe est soumis à une condition :

"Les déplacements autorisés sont limités à un rayon de 100 km autour de la résidence. Dans un contexte français, cette limitation ne devrait généralement pas poser trop de problème, mais elle peut entraîner des difficultés dans un contexte international. Les parents qui vivent à plus de 100 km l'un de l'autre et qui souhaitent exercer leur droit de visite peuvent cependant remplir un formulaire appelé "déclaration de déplacement en dehors de son département et à plus de 100 km de sa résidence", l'une des raisons valables autorisant ces déplacements étant "la garde d'enfant". Il semble que le droit de visite et d’hébergement entre bien dans cette catégorie".

La France s’est confinée une semaine avant le Royaume-Uni et, par conséquent, les tribunaux français ont fermé le 16 mars. Pierre-Guillaume m'a indiqué que, pendant leur confinement, seules les audiences concernant des violences domestiques ou les enlèvements internationaux d'enfants pouvaient se dérouler normalement. Toutes les autres affaires ont été reportées pour une durée indéterminée ou n'ont été traitées que les parties étant d’accord sur le fait qu'aucune audience n'était nécessaire.

Maintenant que les juridictions rouvrent progressivement leurs portes, Pierre-Guillaume craint un afflux d'affaires devant les tribunaux, les avocats essayant d’avancer urgemment dans leurs dossiers avant la période des vacances judiciaires françaises (allant de mi-juillet à fin août).

Certaines réformes de la procédure de divorce en France sont également retardées. Pierre-Guillaume m'a indiqué :

"Une réforme majeure de la procédure de divorce devait également entrer en vigueur le 1er septembre. Cette réforme devrait modifier sensiblement la procédure de divorce, avec, par exemple :

  • la fin de l'audience de conciliation, au cours de laquelle les conjoints pouvaient se rencontrer séparément et sans leur avocat, le juge aux affaires familiales pour un bref entretien;
  • la réduction de deux à un an, du délai de séparation permettant un divorce en l'absence d'un divorce pour faute ou d'un divorce par consentement mutuel;
  • ou encore l'introduction d'un processus extrajudiciaire pour conduire le procès ("la mise en état participative"), lors duquel les deux parties n'échangent pas leurs conclusions lors d'audiences de procédure fixes mais présentent au juge un document unique, mettant en évidence leurs points d'accord et de désaccord, ce qui leur permet de mieux contrôler la durée et les coûts de la procédure judiciaire.

Toutefois, en raison de la situation actuelle, il est largement prévu que l'entrée en vigueur de la réforme soit reportée jusqu'en janvier 2022 au plus tard, la date exacte n'étant pas encore connue".

Sur une note plus encourageante, Pierre-Guillaume a constaté que, malgré les frustrations inévitables liées à l'incapacité de faire progresser les actions en justice, la situation actuelle peut revêtir des aspects positifs. Il a ainsi expliqué :

"Lorsque les choses seront rentrées dans l’ordre et que nous aurons eu le temps de réfléchir à ces retards, cela pourrait inciter le gouvernement français à agir et à essayer d'améliorer le processus judiciaire. Cela encouragera probablement aussi de plus en plus d'avocats à envisager attentivement si une méthode alternative de règlement du litige peut être préférable. Cela pourrait également être le point de départ d'une réflexion sur l'organisation d'audiences à distance, soit par téléphone, soit par vidéoconférence, ce qui n'est pas possible aujourd'hui dans les affaires de droit de la famille”.

Les informations ci-dessus peuvent être particulièrement intéressantes pour les clients qui, en raison de leurs liens avec la France et l'Écosse, ont la possibilité d'engager une procédure de divorce dans l'une ou l'autre juridiction. Bien que nos confinements respectifs aient causé des difficultés pour les deux systèmes, les commentaires de Pierre-Guillaume m'ont fait réaliser la chance que nous avons en Écosse d'avoir un système judiciaire qui nous permet, malgré ce confinement, de pouvoir au moins faire progresser certaines de nos affaires par des audiences à distance. De nombreuses affaires ont cependant été bloquées, ce qui a provoqué une véritable détresse et une grande frustration. Je pressens que le défi, comme l'identifie Pierre-Guillaume, sera de savoir comment nous allons traiter les inévitables retards qui vont marquer les deux juridictions.